Les polarimètres

Déterminer l’orientation des ondes lumineuses pour mieux comprendre les étoiles et les planètes

En 1669, le physicien danois Rasmus Bartholin est le premier à publier un article sur le dédoublement des rayons lumineux par les cristaux de calcite d’Islande (un type de carbonate de calcium très pur). Sans le savoir, il vient de mettre en évidence une propriété importante de la lumière : la polarisation. Malheureusement, n’ayant pas à sa disposition une théorie adéquate sur la lumière, il ne sera pas en mesure d’expliquer le phénomène.

Photo d'un prisme rectangulaire transparent de calcite d'Islande sur un fond noir
Portrait à l'huile d'un homme ayant une forte chevelure bouclée, habillé de plusieurs couches de vêtement devant un rideau de velours brun.

En 1678, le physicien et astronome danois Christiaan Huygens observe à son tour le dédoublement de la lumière par la calcite d’Islande. Il propose une explication au phénomène en 1690 (en faisant appel à « l’éther », cette substance hypothétique sensée remplir l’espace), mais celle-ci est vite contestée.

Il faudra attendre encore 111 ans pour qu’une théorie cohérente de la lumière soit mise au point. Conçue en 1801 par le physicien britannique Thomas Young, celle-ci suggère que la lumière est faite d’ondes se propageant à grande vitesse.

Les physiciens comprennent alors rapidement que lorsqu’une source de lumière naturelle émet un faisceau lumineux, elle émet en fait une myriade d’ondes qui oscillent dans des plans orientés de différentes façons (voir illustration). Par conséquent, si on projette de la lumière sur un écran percé de plusieurs fentes parallèles, seules les ondes ayant la même orientation que les fentes pourront les traverser. En bout de ligne, on obtient donc une lumière dont les ondes sont toutes orientées de la même façon, c’est-à-dire une lumière polarisée.

En 1809, le mathématicien français Étienne-Louis Malus se penche à son tour sur le problème de la calcite d’Islande et comprend qu’il existe seulement deux chemins dans sa structure pouvant laisser passer la lumière : le premier permet aux ondes ayant une certaine polarisation de passer tandis que le second permet à la lumière ayant une autre polarisation de passer; le résultat est donc un dédoublement de la lumière.

Portrait à la mine noire d'un homme posé de biais, portant un habit militaire à haut col et une médaille à sa poitrine
Objet métallique doré constitué d'un pied, d'une tige et d'une lamelle de verre fixée à son extrémité, représentant un polarimètre

À peine deux ans plus tard, en 1811, l’astronome français Dominique François Jean Arago invente le polariscope, un instrument qui permet de savoir si une lumière est polarisée ou non. Il découvre alors que la lumière lunaire est polarisée. En 1841, il invente le polarimètre, un polariscope devant lequel on a placé une lamelle de verre ou une pile de lamelles de verre inclinables devant l’instrument de façon à mesurer la proportion de lumière qui est polarisée; c’est cet instrument qui est principalement utilisé par les astronomes aujourd’hui.

L’étude de la surface des planètes par polarimétrie fait ses réels débuts avec l’astronome français Bernard Ferdinand Lyot. Travaillant depuis 1920 à l’Observatoire de Meudon, près de Paris, il soumet en 1929 une thèse de doctorat sur la polarisation de la lumière réfléchie par les surfaces de quelques planètes. Il suggère entres autres que la planète Mars est sujette à de gigantesques tempêtes de sables, prévision qui sera confirmée par la sonde Viking 1 en 1976.

Lyot meurt en 1952 mais ses travaux seront poursuivis à Meudon par l’astronome Audouin-Charles Dollfus. Dollfuss sera le premier à déterminer que la surface de la planète rouge est composée d’oxyde de fer. Aujourd’hui, Lyot et Dollfus sont tous deux considérés comme les pionniers de la polarimétrie planétaire.

La recherche en polarimétrie stellaire fait quant à elle ses débuts en 1908. George Ellery Hale découvre alors que la lumière émise par les taches solaires est polarisée de façon linéaire et circulaire. En 1922, il met en évidence la polarisation du spectre solaire en dehors des taches solaires. En 1946, l’astronome américain Horace W. Babcock repère, grâce à la polarimétrie, la première étoile (autre que le Soleil) produisant un champ magnétique; il s’agit de 78 Virginis.

Photo en noir et blanc d'un homme regardant l'objectif, portant des lunettes, une moustache et un complet
Photo en noir et blanc d'un homme souriant, regardant vers sa gauche et portant un complet

En 1949, les astronomes américains John Scoville Hall et William Albert Hiltner découvrent indépendamment que 1 à 3 % de la lumière émise par plusieurs étoiles est polarisée. Une carte de la distribution de la polarisation à travers le ciel montre même des structures à grande échelle dans notre galaxie. On ignore cependant à cette époque comment expliquer un tel phénomène.

La réponse ne tardera pas. En 1950, les astronomes américains Jesse Leonard Greenstein et Leverett Davis Jr. proposent que la polarisation de la lumière interstellaire est due à des grains de poussière qui se sont naturellement alignés avec le champ magnétique de la galaxie. Les deux chercheurs iront même jusqu’à mettre au point des modèles qui permettent d’utiliser les données polarimétriques pour détecter les champs magnétiques interstellaires.

Aujourd’hui, les polarimètres sont utilisés dans l’étude de l'atmosphère du Soleil et des étoiles, du sol et de l'atmosphère des planètes, du milieu interstellaire et des nébuleuses diffuses, ainsi que dans la détection des champs magnétiques.

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